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Chroniques
L'opéra de quatre notes
opéra de Tom Johnson
Le contralto s'assoit dans la loge des femmes aménagée côté jardin (avec son miroir à ampoules et son paravent bariolé derrière lequel se changer), tandis que les hommes viennent se préparer dans la loge opposée. Le piano à queue de Denis Chouillet est en haut, au centre. Un premier chœur nous apprend que le spectacle de ce soir comporte trois parties, de longueurs différentes et au contenu chaque fois « pas pareil ». D'emblée, nous pouffons car nous comprenons que cet Opéra, s'il est minimaliste (le compositeur n'utilise que les notes la, si, ré, mi) se veut aussi une parodie. Depuis la création de ce premier ouvrage lyrique en 1972, on s'est aperçu du penchant de Tom Jonhson (né au Colorado, en 1939) pour l'humour absurde – rien qu'en 1978, Window tourne autour du nettoyage d'une fenêtre sale, tandis que Drawers présente un soprano qui cherche partout son dé à coudre avant de le retrouver sur son doigt, et Door deux chanteuses trop fatiguées pour aller ouvrir à un visiteur.
Comme l'explique Paul-Alexandre Dubois, metteur en scène et baryton, le spectacle repose sur « une grande complicité avec l'auditoire », puisque le but est d'expliquer à ce dernier certains rouages musicaux, comme le duo, le trio, le quatuor… Et bien entendu, donner dix variations de la même phrase stupide ne peut que faire rire. Outre ces commentaires pédagogiques chantés avec beaucoup de jovialité, les artistes se laissent aller à de petites confessions qui en disent long sur l'ego de chacun.
Ainsi, le contralto – Eva Gruber – adore chanter mais doit veiller à ne pas forcer sa voix, à ne pas louper sa note finale et à trop improviser lors d’un air sans accompagnement ; le ténor geignard – Christophe Crapez – se plaint de son peu d'interventions durant le quatuor ou encore d'avoir une partition sans contre-ut un soir où il est particulièrement en forme, etc. Les lamentations sont à leur comble dans la dernière partie, lorsque nos artistes sont contraints à l'immobilité et que « la musique ne change même pas ». N'oublions pas non plus les clins d'œil au répertoire comme ce Nachtigall hurlé sans raison ou cette soprano – Anne Marchand – qui a changé le programme pour pouvoir montrer son habit coréen tout neuf.
Disponible depuis 1991, l'édition française de cette œuvre nous permet de goûter pleinement à un univers loufoque, entre vaudeville et musique répétitive underground, que l'Atelier Lyrique de Franche-Comté à rendu ce soir, grâce à de belles qualités vocales et sans une once de vulgarité.
LB